Dans un tweet impulsif hier je disais « J’en peux plus des “à dérouler”, ouvrez un blog, bordel ! » Ce tweet a suscité quelques retweets, quelques réponses et quelques mésinterprétations. Alors pour éviter de faire exactement la même chose que ce contre quoi je râlais, je m’explique plus longuement ici :-)

Pour chaque outil se créent des usages non prévus à leur création. C’est le cas pour Twitter, où la limite de 140 caractères est contournée par le biais de successions de tweets, soit numérotés, soit se répondant à eux mêmes pour en faciliter la lecture linéaire. Il m’arrive moi-même d’y avoir recours. Lorsque ces tweets sont signalés par d’autres (voire par leur auteur), on les accompagne d’un « à dérouler » pour indiquer que c’est le premier d’une série.

Levons un premier malentendu : je n’entendais pas par là reprocher à quiconque d’être trop bavard ou de ne pas respecter le jeu des 140 caractères, d’autant qu’il me suffirait de ne pas cliquer sur ces fameux à dérouler pour en être épargnée. Je ne visais pas non plus les « périssables » : les réactions à chaud, les anecdotes, les potacheries, etc.

Bien au contraire, ce que je regrette c’est une série de problèmes soulevés par ce fonctionnement pour des contenus appelant à la réflexion, au partage, aux discussions. Notamment :

La difficulté de lecture : même si la numérotation ou les enfilades d’auto-réponses améliorent un peu les choses, ça reste très peu pratique. La numérotation ne résiste pas au temps ; va t’en retrouver les 2, 3, 4, 5 dans une timeline quelques heures ou quelques jours après leur publication… Quant aux auto-réponses, ça demande une bonne maîtrise de la part de l’auteur et même en ce cas si d’éventuels commentaires se sont intercalés on est complètement perdu.

La difficulté de partage : il est quasiment impossible de partager une série de tweets autrement que via Twitter, sauf à déployer soi-même une solution d’agrégation par collage de copies d’écran ou par des outils de type Storify. Les contenus de ces séries sont donc à peu près coincés dans la bulle Twitter.

La difficulté d’interaction : réagir à une série de tweets est également bien compliqué et plus encore de réagir à des réactions. Dois-je répondre sur le premier, le dernier, l’extrait concerné ? Et les réponses aux réponses ? Et les réponses… en série ? Du coup les réactions sont lapidaires ou tellement déportées dans sa propre timeline que la discussion a peu d’espoir de se construire.

La pérennité : le type d’outil qu’est Twitter n’est pas fait pour revenir sur une discussion au-delà de quelques jours sauf au prix d’une grande complexité. Va t’en retrouver une série de tweets du mois dernier, tu m’en diras des nouvelles…

La délégation : (mais ça vaudrait aussi pour des blogs sur plate-formes). À l’heure qu’il est je pense qu’il est important de se prémunir de faire dépendre nos discussions d’outils dont nous n’avons pas la maîtrise. Je ne m’étendrai pas là dessus sur ce billet-ci mais vu que ma réaction épidermique venait justement de trucs très intéressants à la suite de l’élection d’un fasciste doté d’outils de surveillance et de censure…

Voilà donc en plus de 140 caractères ma complainte sur les rouleaux de PQ les « à dérouler » !