De la beauté, du coffre... et rien. Mon électrocardiogramme plat pour la Giulietta de Netrebko
Par Kozlika le vendredi 6 juin 2008, 12:51 - Lien permanent
C'était lundi et nous étions une douzaine de prosélytes à l'Opéra Bastille pour un I Capuleti e I Montecchi qui s'annonçait comme l'événement de l'année avec les débuts de la très belle Anna Netrebko à l'Opéra de Paris dans le rôle de Giulietta.
Je partais pleine de méfiance à l'encontre de la soprano slave après avoir assisté à son récital l'année dernière. Si j'avais certes admiré et la beauté plastique et l'ampleur de la voix de la cantatrice, ses interprétations m'avaient laissée parfaitement indifférente. Magnanime, je lui laissais toutefois le bénéfice du doute : il n'est pas forcément aisé de s'investir dans un rôle le temps d'un air seulement et certains interprètes sont mauvais en récital et ne donnent leur pleine mesure qu'en représentation. Et puis Juju l'adore, pas mal de mes amis des forums opératiques aussi. Sans doute la première fois n'étais-je pas dans un bon jour et aurai-je ce soir le coup de foudre. J'avais tort. Elle est aussi mauvaise dans l'un que dans l'autre exercice. En lieu et place d'une fragile Juliette de quinze ans au romantisme exacerbé d'une adolescente shakespearienne, Netrebko nous gratifia d'une femme fatale trop vieille, trop sûre d'elle, sans états d'âme, à la voix puissante et trapue, ce qui peut convenir sans doute à d'autres rôles mais trop loin d'une bellinienne Juliette pour être crédible et nullement émouvante. Une Tosca éventuellement ? Pas sûr. Le problème avec Netrebko est que si vous avez le son sans l'image il n'y a plus rien, tant elle compense en théâtralité ce dont elle ne dispose pas dans la voix pour exprimer les émotions de son personnage. Je lui accorderai toutefois une troisième chance si elle chante de nouveau à Paris : la jeune femme est enceinte, cela bride peut-être ses capacités. Tout le monde n'a pas la chance d'être une Dessay impériale en Reine de la Nuit avec son gros bidon dans la magie des nuits aixoises.
J'aimerais vous dire qu'au moins elle chantait juste, mais quelques (trop nombreuses) fausses notes me démentiraient ; ou que le timbre est joli, mais en fait il est seulement banal (warning : avis plus que personnel car je lis ici ou là qu'elle reçoit quantité d'éloges sur ce dernier point). C'est dire si l'engouement des afficionados hurlant des bravi et brava tonitruants après chaque air de leur idole m'échappa totalement. Sans parler des commentaires enthousiastes d'une partie de mes petits camarades manifestement sous l'emprise du bling-bling ambiant de ces derniers mois. Pauvre France.
Pour être juste, signalons que sa prestation après l'entracte fut meilleure qu'en première partie (ô désolation d'un "O quante volte" qui n'aurait pas arraché une larme à un crocodile dépressif[1]), sans toutefois être jamais à la hauteur de sa partenaire (exception faite du duo où elle supplie son père de la prendre sans ses bras, qui je dois le dire était vraiment bouleversant). Car les carences, déjà audibles dans ses solos, devenaient frappantes dans les duos avec le Roméo de la mezzo Joyce DiDonato, produisant un effet de décalage peu flatteur pour la soprano. C'est dommage parce qu'au niveau du timbre leurs voix s'harmonisaient parfaitement. Sur ce décalage aussi, il faut dire que DiDonato était absolument formidable en jeune amoureux impétueux, exprimant parfaitement les forces et les faiblesses des adolescents de tous temps, tant dans la voix que dans son jeu. Il faut être aussi miro des yeux et des oreilles que Vroumette ou Gilda pour faire quelque reproche à la contralto. Le bling-bling encore, fascinées qu'elles étaient par la plastique de Netrebko et sûrement pleines d'empathie pour cette future maman et les nuits sans sommeil à changer les couches et préparer les biberons à venir.
Comment ne pas voir et entendre l'interprétation fabuleuse que nous offrit DiDonato pour sa prise de rôle de Roméo, la grâce touchante de sa maladresse, ses emportements juvéniles, parfois injustes dans leur désir d'absolu ? Que les yeux soient ouverts ou fermés, Roméo était bien là, dans la voix de Joyce. Ne pas avoir su apprécier DiDonato est un crime pire encore que s'être entiché de Netrebko !
Dans la presse/critiques web :
- Star mais pas diva sur ConcertoNet.com, par Didier van Moere.
- Bonheurs et infortunes du bel canto, sur webthea.com, par Caroline Alexander.
- Tragédie et bel canto, dans Les Echos, par Michel Parouty.
- Le noir et le rouge sur concertclassique.com, par Jean-Charles Hoffelé.
- En rouge et noir, Giulietta et Roméo sur Resmusica, par Nicolas Pierchon.
- Une diva de marketing dans le Journal du Dimanche, par Nicole Duault.
- le fil d'operadatabase
- le fil de forumopera
Chez les prosélytes :
- Vroumette : Ben moi j'ai bien aimé
- Gilda : Un spectateur attentif
- Joël : I Capuleti e I Montecchi à Bastille
- Franck Paul : Les Capulets et les Montaigus
- Traou : Mais je l'ai trouvée très bien moi Joyce DiDonato
Cette production d'I Capuleti et I Montecchi sera diffusée sur France-Musique le 28 juin, à 19h30.
Avertissement au lecteur : si vous trouvez mes propos à l'encontre de Netrebko outrés, vous aurez raison ! C'est que j'ai forcé le trait dans l'intention d'entamer un bloug fight ! Cela dit, en plus mesuré ce sont quand même mes impressions de ce spectacle. Netrebko est largement surcotée à mon sens.
Notes
[1] Je prépare dès que possible une écoute comparée en aveugle de cet air, j'attends que quelqu'un me fasse parvenir l'interprétation de Netrebko.
Commentaires
Mais t'as rien compris, Netrebko, elle est là parce qu'elle est photogénique, c'est une pipole. C'est comme Alagna et sa copine, ce sont les bankables de l'opéra. Ils sont là pour remplir les salles.
Un jour, un jour, la musique ressucitera en France. Gardons courage.
Surtout que là où nous étions placés, pour voir sa soi-disant plastique, fallait de bons yeux ou de bonnes jumelles, ce qui n'est pas mon cas ! Du coup, à part l'acoustique, excellente au demeurant, et la manière d'évoluer sur la scène, avec précautions, …
Bref, heureusement qu'il y avait d'autres chanteurs pour relever le niveau !
Je ne sais pas si j'ai loupé mon rétrolien ou s'il faut juste que tu le valides, sinon mon billet rapide, c'est là.
Je passe 5 minutes à la maison juste le temps de dire que c'est vraiment n'importe quoi ce billet (ça c'est de l'argumentation) !
Je reviendrai ce soir après le théâtre.
Recoucou,
Le temps d'aller voir Pedigree et me voici de retour. Comme les commentaires ne pleuvent pas, je vais fighter alone (big challenge).
Je suis allée faire un tour sur quelques des uns des liens que tu nous as mis et j'y lis aussi tout le bien et mal de Giuletta et je me dis que l'avantage de ne rien y connaître à l'opéra est qu'on peut se laisser totalement guidée par ses sensations. Je suis en effet surprise par les reproches qu'on peut lui faire quant à son côté "bankable" ou bling bling, alors que je me dis que je ne me laisse guider que par le son, mes sens (et c'est d'ailleurs bien ce que tu analyses dans ton billet, à savoir qu'elle ne t'a pas tiré d'émotion particulière). Mais je regrette que le côté "people" de certains interprètes influencent du coup le jugement de certains liens que tu as mis.
Soyons honnête, je n'y connais rien de chez rien à l'opéra (voilà c'est dit), mais moi j'ai vraiment été touchée par Gulietta et par son Roméo (que j'aurai aimé plus passionné, comme peuvent l'être les jeunes amoureux => oui, oui du roulage de pelle sur scène aurai animé la ise en scène un tantinet trop plan plan à mon gût)
J'y étais pas mais je suis bien d'accord : Netrebko sucks velu.
Le timbre, d’abord, est monochrome, non sans duretés dans le forte, surtout quand l’aigu se trouve sollicité, trahissant l’origine slave de la voix. La chanteuse n’a pas non plus ce sens du phrasé permettant d’assurer la continuité et la beauté de la ligne. Il y a de belles nuances (mais qui ne remplacent pas les couleurs), notamment dans les aigus, parfois joliment émis piano, et certains passages dégagent une certaine émotion, comme les adieux de Juliette à son père. Ce sont le style, l’école qui font défaut.
Bon, non, c'est pas moi. La suite ici.
Ouéééé ! Mitt et Bladsurb avec nous !
(et pendant ce temps-là ça se dégonfle dans le camp de Netrebko, forcément ils n'ont aucun argument valable)
Ouaih m'enfin soyez compatissant avec la Netrebko, elle est enceinte de 5 mois et à mon avis, c'est pas facile de rester concentrée sur son chant quand on a des vents toutes les 5 minutes qui tortillent le bidon (je sais, j'élève le débat !)
Nouveau petit jeu : corrigez toutes les fôtes dans mes commentaires que je ne relis toujours pas.
C'est vrai que je j'adore Netrebko, mais pas nécessairement pour toutes ses incarnations sur scène. Ce que j'aime avant tout, c'est son timbre, la rondeur de sa voix, son aura sur scène, surtout en récital.
Je n'ai pas tes exigences et connaissances, mais j'ai vraiment apprécié cette représentation.
Et avant de venir je me réjouissais de la présence d'Anna Netbreko. Lorsque tu m'as dit ta déception, je me suis sentie bien cruche !
Moi je me suis laissée emporter par l'histoire, la musique, les voix. Parfois je fermais les yeux, et était très heureuse et émue. (J'en profite pour remercier la personne qui s'est désistée et que j'ai remplacée !).
Ah, et ma chère Kozlika, j'avais raison Anna Netbreko a bien interprété la Traviata, oui à Salzbourg en 2005. J'avais vu la retransmission sur Arte, et avait eu un coup de coeur. (Ben voui).
J'en suis sûre car je viens de me souvenir que j'avais ensuite acheté le dvd lors de sa parution.
Tiens, si tu veux je te le prêterai, tu pourras écouter Anna !
Etais, et non était, bien sûr...
Bah. Depuis que j’ai vu Christine Schäfer dans le rôle de Violetta l’année dernière, rien ne m’étonne.
PS (mode tragédie): C’est pas joli joli de balancer comme ça Nanette. Tu n’as jamais aimé la Netrebko, jamais, nooooon jamaiiiis! (soupirs)
Ah oui quand même, par rapport à la Traviata qu'ils nous ont pondu l'été dernier, ça n'a quand même rien à voir, heureusement qu'il y a avait le ténor :o)
Sinon elle a pas chanté si faux que ça !? Une fois je me suis dis que ça avait un peu "sauté" ; j'ai fait un billet chez moi aussi
Ah mais non hého, déjà que je l'habille pour l'hiver, inutile d'en rajouter, je n'ai pas dit qu'elle chantait très faux, j'ai dit qu'elle ne chantait pas toujours juste... Vous allez finir par me fâcher avec elle, si je la croise elle ne voudra pas me faire un de ses si mignons autographes avec un petit coeur :(
J'ai entendu Netrebko et Cioffi dans le rôle de Juliette. Les duos Netrebko-Di Donato étaient sublimes. Ceux de Cioffi-Di Donato étaient parfaits.
Je voudrais pas dire, mais côté trollage, ils sont vachement plus à fond dans les commentaires du Journal du dimanche. Huhu c'est rigolo tout ça quand même.